Le discours de Pétain du 17 juin a pour effet de fracturer l’armée française ainsi que les rapports de celle-ci à la population. De nombreuses unités se rendent alors que les pourparlers d’armistice ne sont même pas engagés. L’État-major a beau envoyer des ordres de combat, c’est, de fait, la défaite qui est actée en quelques mots. La chute du nombre de morts au combat est vertigineuse et seuls quelques bastions continuent de se battre. Le 18 juin, de Gaulle lance son appel et entre dans l’histoire en créant, quelques semaines après, la France Libre.
Carte – Lieux de décès des soldats entre le 18 et le 25 juin 1940

Les combats se poursuivent sur le canal de la Marne au Rhin. À Parroy, le 5e Bataillon de mitrailleurs résiste. Les combats sont très meurtriers à Xousse et Vaucourt (458e IR Polonais) et à Moussey (1er Régiment polonais). Ces poches de résistances n’empêchent cependant pas les Allemands de prendre Épinal.
L’épisode le plus connu de cette volonté de ne pas obéir à Pétain est le combat des Cadets de Saumur. L’école de Cavalerie refuse de se replier sur Montauban, elle va se positionner avec d’autres forces françaises disparates sur la Loire entre Montsoreau et Le Thoureil malgré la pression des élus et de la population qui veut déclarer Saumur « ville ouverte ». Ils résistent jusqu’au 20 juin après des combats meurtriers notamment sur l’île de Gennes.
Toutefois, les Allemands ont établi une tête de pont à Briare et les dernières unités françaises continuent de reculer sur le Cher.
Hitler et Mussolini se rencontrent le 18 juin pour répondre à la demande d’armistice française émise par Pétain. Mussolini veut partager la France en deux en gardant le sud et la Savoie pour l’Italie. Hitler est plus méfiant, car il vise l’Angleterre et ne veut pas contrôler un territoire aussi vaste. Il craint aussi le départ de Pétain à Alger ainsi que celui de la flotte française de Toulon. Il souhaite donc disposer en France « de relais » locaux notamment avec l’ancien président du conseil Pierre Laval. À Bordeaux, le débat existe aussi, car une partie des parlementaires et du gouvernement souhaitent rallier Alger alors que les partisans de la collaboration et de l’armistice s’organisent autour de Laval.
Après avoir percé le secteur fortifié de la Sarre et celui de la ligne Maginot du Rhin, les Allemands prennent Belfort sans difficulté. Toutefois, la percée n’implique pas la fin des combats, car de nombreux forts résistent jusqu’à l’armistice et le dernier se rend le 7 juillet. Ce n’est pas le cas autour de Haguenau où les casemates, après une résistance certaine, tombent une à une. Haguenau tombe le 19 comme Strasbourg.
Sur la Loire, si les cadets résistent à Saumur, une autre école s’illustre à Port Boulet où l’école de Saint Maixent et des bataillons du 1er régiment de cuirassiers défendent le pont jusqu’au 20 juin.
Sur la route de Lyon, les soldats du 25e Régiment de tirailleurs sénégalais résistent à Chasselay autour de couvent de Montlezun et du Château de Plantin. Les Allemands abattent leurs prisonniers et roulent sur les blessés avec des panzers. Il y a très peu de survivants. C’est le massacre de tirailleurs le plus important de cette campagne de France. La mémoire de cet événement est encore aujourd’hui très vive. Près du Mans, à Sillé-le-Guillaume, 14 soldats prisonniers du 208e Régiment d’artillerie coloniale lourde sont aussi abattus et laissés sur place.
Le 19 juin, Rommel prend Cherbourg vidée des soldats anglais tandis que Nantes, Saint Nazaire et La Rochelle tombent également. La retraite se poursuit au Sud dans la Vienne, le Massif central et sur le Rhône tandis qu’à l’Est les combats se poursuivent dans les Vosges autour de Toul. Au Sud des Vosges le général Lescanne et son 43e Corps d’armée se réfugient sur le plateau du Donon et il résistera jusqu’au 24 juin. Les combats sont intenses à Kaysersberg comme dans toutes les vallées vosgiennes. Mulhouse tombe après des combats dans sa périphérie. Des éléments du 45e régiment d’infanterie de forteresse passent en Suisse et rejoignent, après internement, la zone libre.
Le 20 juin, c’est la fin de la résistance des cadets de Saumur et des élèves de Saint-Maixent avec la prise du pont de Port Boulet par les Allemands. Le 21, les Allemands entrent dans Saumur, 2 200 soldats français ont ainsi résisté à 2,5 divisions allemandes soit 40 000 soldats.
En Alsace, à proximité des Vosges, le plateau fortifié d’Aschbach ne cède pas. Le général Laure résiste face à des ennemis très supérieurement dotés, mais les ressources, notamment les munitions, commencent à s’épuiser. Dans le Rhône, les massacres de tirailleurs se poursuivent à Lentilly, Champagne au Mont-d’or et Eveux. Lyon, déclarée « ville ouverte » tombe ainsi que Vichy.
Le front des Alpes, qui n’a connu que des combats sporadiques, résiste et l’avancée italienne piétine. L’offensive majeure a lieu le 21 juin. 85 000 soldats français commandés par le général Olry résistent jusqu’au 25 juin aux 300 000 Italiens commandés par le prince Humbert de Savoie. Des duels d’artillerie ont lieu à des hauteurs inouïes et à chaque fois les Italiens sont repoussés par les régiments de forteresse protégés par la ligne Maginot des Alpes.
De fait, la ligne Maginot des Vosges reste toujours difficile à prendre, car, même isolés, ces ouvrages génèrent des pertes importantes pour les assaillants et doivent être réduits un à un. Certains ouvrages résistent alors que les Allemands occupent les plaines et les villes. C’est le cas du secteur fortifié de Rohrbach qui résiste alors que toute la région est sous contrôle allemand.
Hitler prend sa revanche le 21 en signant un armistice dur au même endroit où les Allemands avaient capitulé en 1918, dans la clairière de Rethondes. Il s’agit de fait d’un véritable acte de capitulation. Comme la flotte reste française, que l’empire n’est pas touché et qu’il existe une zone libre avec administration française, le gouvernement accepte l’armistice, mais essaye de négocier certains points notamment le fait que les étrangers (opposants et juifs allemands) ne soient pas livrés aux Allemands. Par contre, ils acceptent que tout français qui continuerait la guerre soit considéré comme un franc-tireur et fusillé sur place ainsi que, de fait, le travail des prisonniers en Allemagne. Pour les prisonniers coloniaux, ceux-ci restent en France dans des camps (Fronstalag). L’Allemagne ne veut pas « souiller » son territoire avec des « races » inférieures. L’acte d’armistice est signé le 22 à Rethondes par le général Huntziger qui n’a rien obtenu.
Les soldats combattants savent que l’armistice va être signé et ceux-ci oscillent entre résignation et derniers combats. Si des combattants se rendent ou tentent de rejoindre le sud de la France ou la Suisse, les combats continuent sur la ligne Maginot du Nord Est. Les ouvrages du Michelsberg, du Mont des Welsches, du Hackenberg ou de l’Anzeling, bien qu’encerclés, refusent de se rendre. Il en est de même sur certains ouvrages de Rohrbach, du Bisenberg, du secteur d’Haguenau qui résistent alors que les Allemands font sonner les cloches pour fêter l’armistice.
Si sur le front des Alpes, l’armée française repousse les Italiens y compris à Menton, la situation est désespérée dans les Vosges où ne subsistent que des poches de résistances encerclées et souvent en manque de munitions. Le général Laure se rend à La Bresse et le général Condé fait de même au col du Haut Jacques entre Bruyères et Saint Die. Il en est de même du 13e Corps d’Armée à Gérardmer. 500 b000 hommes sont pris dans la nasse des Vosges et seules quelques poches irréductibles résistent encore autour de Bussang.
À l’ouest, on se bat encore près de Poitiers à Moncontour du Poitou, ce sera l’ultime combat de chars de la bataille de France.
L’armistice signé, de nombreux régiments se rendent et les combats s’arrêtent de fait derrière la future ligne de démarcation malgré l’existence de poches de résistance.
Dans les Vosges du Donon, le général Lescanne résiste toujours. Il finit par rendre les armes le 24 juin à 11h30 en échange d’une promesse de non-captivité de ses soldats qui n’est pas tenue.
Ils ont face à eux le groupement Cartier, c’est un assemblage hétéroclite de soldats repliés et souvent fatigués. Ces 30 000 soldats et leurs 130 canons mettent alors en échec les 3e et 4e panzers divisions, la 1re Division d’infanterie de montagne soit 65 000 hommes, 632 blindés, 250 canons appuyés par l’aviation.
Dès le 22 juin, les allemands sont mis en échec dans leur progression vers Grenoble à Voreppe, mais parviennent malgré tout à prendre Aix-les-Bains en contournant le groupement Cartier. Ils sont aussi bloqués les 23 et 24 juin dans leurs progressions vers Annecy.
Le 24 juin l’armistice est signée et les combats se terminent le 25 juin dans les Alpes qui deviennent un territoire sous domination italienne.
Pour citer cet article : Claude Dupuy et Paul Maneuvrier-Hervieu, 2020, « Lieux des combats et pertes françaises (18 juin – 25 juin 1940): Combattre malgré tout», Les Soldats Oubliés, (année, mois, jour de consultation), consulté depuis http://mortsoublies.fr.